🗓️ Le 10 novembre 2025
🏁 Kilomètres : 411
06h du matin. J’arrive à l’entrée de l’estuaire de Taiharuru, je viens de parcourir les deux kilomètres le séparant du petit village de Pataua. Nous sommes 8 à traverser les 3 kilomètres à marée basse. L’aube apparaît en douceur avec des tons orangeâtre, le lever de soleil s’annonce chamarré. J’affectionne tout particulièrement cette atmosphère suspendue du petit matin, le silence uniquement altéré par le chant des oiseaux. J’enfile mes sandales de camp (une paire légère qui permet de ne pas utiliser les chaussures après la randonnée) pour traverser la baie, qui est constituée d’un mélange de sable et d’une sorte de terre glaise. De la mangrove entoure l’estuaire, ainsi que des collines couvertes de prés en arrière plan. En avançant dans la baie, quelques étoiles de mer jonchent le sol et de nombreuses flaques laissées par la précédente marée haute reflètent les couleurs du lever de soleil qui s’intensifie, donnant une impression de palette d’artiste traînant sur le plancher. L’horizon se met à flamboyer, les nuages flottants au-dessus donnent l’impression d’un grand brasier. D’ailleurs pour ceux qui ont suivi les actualités, un grand incendie a eu lieu 400 kilomètres plus au sud à Tongariro, brûlant 3000 hectares. Certains randonneurs de Te Araroa s’y trouvant durant le sinistre ont dû être évacués par hélicoptère. J’y passerais dans un mois environ.
Nous traversons l’estuaire en effectuant une courbe vers l’Est, puis vers le sud. Pour en sortir, nous devons traverser une zone d’argile boueuse particulièrement odorante. J’y pénètre pieds nus, mes amis passés quelques jours auparavant m’ont prévenu que l’odeur nauséabonde leur était restée sur les chaussures durant des jours. L’enfant en moi jubile de la sensation d’y plonger ses pieds en s’enfonçant dans la boue jusqu’à mi-mollet. Chaque pas est un régale, une étrange sorte de madeleine de Proust. En sortant de l’estuaire, nous traversons une longue bande de prés ; il semble que la nature ait anticipé nos besoins, l’herbe gorgée de rosée nettoie impeccablement nos pieds. Le temps d’en atteindre le bout et je suis propre ! Nous remettons nos chaussures et nous voilà reparti en binôme avec Pablo, nous avons encore une longue journée de marché devant nous. Nous grimpons une série de collines, descendons de l’autre côté par un chemin de graviers, atteignons une plage longue de 6 kilomètres dont le bout représente notre 400ème kilomètre depuis le cap Reinga.
Nous prenons notre pause déjeuner satisfaits d’avoir déjà parcourus 18 kilomètres. En revanche, ce que nous ne pouvons voir dissimulé dans des nuages bas dont seul la base est apparente, ce sont les imposants éperons rocheux Bream head suivi de Lion head, qui culminent à 450 et 400 mètres respectivement. Ils s’étendent sur 6 kilomètres au bout de la péninsule de Whangarei, leurs pieds plongeant à pic dans la mer. Nous en attaquons la montée directement depuis la plage dont le fort dénivelé nous coupe les jambes dès les premiers pas. Nous commençons sur une pente herbeuse, avant que le sentier ne s’enfonce dans la forêt. Je n’ai pas lu les notes officielles aujourd’hui (ce que je fais généralement tous les jours), je ne m’étais pas préparé mentalement à grimper une côte aussi longue et raide après avoir déjà effectué une bonne demi journée de marche. Je ne peux voir loin devant moi en raison du brouillard et de la forêt, mais chaque fois que je lève la tête je me décourage d’apercevoir uniquement des montées ou des escaliers. La plupart du temps le chemin est bien aménagé, mais sur certaines parties les gravillons laissent place à une boue glissante qui n’aide pas notre progression. En arrivant au sommet du premier sommet Bream head, je me sens franchement crevé! Le sac à dos pèse lourd sur les épaules durant les forts dénivelés que nous venons d’effectuer. Mais je suis content d’être arrivé au sommet. Je m’imagine désormais rester sur une crête relativement plate avant de redescendre de l’autre côté … je m’étais fourré le doigt dans l’œil bien profondément ! Nous enchaînons avec une série de petites descentes et remontées, avant de franchement dévaler plusieurs centaines de mètres … je commence à comprendre que si nous descendons aussi tôt en ayant à peine franchi la moitié du massif, c’est qu’il va certainement falloir encore une fois remonter … ce qui s’avère être exact. Une autre escalade nous lorgne de haut et se ri de nous. J’ai soif et j’ai déjà quasiment terminé toute mon eau. Je sais que me lamenter ne servira à rien, alors je me pousse à prendre un bon rythme pour en terminer avec cette journée de marche! Ça monte, ça redescend un peu, ça remonte, et ça redescend encore... nous avons la sensation de faire deux pas en avant un pas en arrière … les jambes sont lourdes et la soif me donne l’envie de lécher les feuilles des végétaux ; je m’imagine toutes sortes de techniques de survie que je pourrais appliquer si j’étais un jour égaré dans la nature sans eau.
Et finalement après un temps qui me semble une éternité, nous atteignons le sommet. Je bois la dernière gorgée d’eau de ma bouteille que je m’étais réservé pour le sommet. Nous décidons de descendre rapidement, nous n’avons aucune vue de toute manière, un brouillard opaque obstrue la vue à 360 degrés. La descente se fait relativement facilement par une série d’escaliers continus. Nous n’apprendrons que plus tard qu’entre toutes les montées et descentes effectuées sur ce petit massif, nous aurons grimpé 800 mètres de dénivelé cet après midi là .. après les 18 kilomètres déjà parcourus durant la matinée, ça nous a fait une grosse journée.
En arrivant en bas, nous marchons le long d’une route pour 4 kilomètres supplémentaires et nous voici arrivés chez nos hôtes du soir, Robert et Megan, qui nous accueillent comme si nous étions leurs enfants. Nous avons accès à une petite cabane comfortable au fond du jardin et pouvons utiliser douche et toilettes dans leur propre maison. Nous demandons à Robert quel est son métier, il nous apprend qu’il bossait dans l’installation de coffres forts pour des banques. En rigolant, je lui demande s’il peut nous apprendre des astuces pour piller un coffre, parce que nous avions justement l’intention de faire un braquage ; Robert se lance alors dans une explication d’une demi heure sur la manière dont on pourrait s’y prendre - pour finalement arriver à la conclusion que non, ça ne serait pas possible, ses coffres sont les meilleurs ! La conversation était surréaliste, à mourir de rire !
Pour nous faire plaisir, ils nous proposent de nous conduire 10 minutes plus loin pour chercher de quoi manger ce soir, Fish and Chips au menu (pour ceux qui ne connaissent pas, c’est poisson frais pané et frit, servi avec des frites). Nous mangeons notre dîner dans le salon pendant que nos hôtes regardent une émission de télévision, un vrai air de famille. Nous jouons ensuite aux fléchettes, je souhaite prendre ma revanche. J’arrive finalement à remporter une manche, même si le score s’alourdit à 11-1. Il semble que les guatemaltèques soient des tireurs d’élite !
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