🗓️ Le 11 novembre 2025
🏁 Kilomètres : 443
Aujourd’hui nous commencerons avec une traversée en bateau pour quitter la péninsule de Whangarei afin de se rendre à Marsden Point. Nous longerons ensuite en partie la longue plage qui s’étend sur 25 kilomètres en passant auprès des villes de Ruakaka et Waipu. Le camp du soir se situe tout au bout de la plage mais il n’est pas possible de s’y rendre en restant sur la grève en raison de rivières et d’un estuaire qui bloquent le chemin ; une partie de l’itinéraire devra donc se faire le long de routes.
Je commence à marcher en compagnie de Pablo, nous prenons un petit déjeuner à mi-chemin et il sort ensuite du trail pour un rendez-vous avec une française qu’il a rencontré la semaine précédente. Je ne sais pas si nous aurons encore la possibilité de marcher ensemble, mais c’était sympathique d’être en sa compagnie pour quelques jours. Étant désormais seul, j’accompagne ma marche de musique, retire mes chaussures sur quelques kilomètres pour profiter de la sensation de l’eau de mer froide sur mes pieds.
Après 15 minutes à marcher au bord de la route, une voiture qui vient en face de moi allume ses feux de détresse et s’arrête à mon niveau. Le conducteur ouvre la fenêtre, me demande si je parcours Te Araroa, ce que je confirme, et me tend une canette de limonade fraîche “c’est pour t’encourager, tu dois avoir chaud !”. Il me salue et repart. Je suis stupéfait de la gentillesse des Kiwis ! Ils nous manifestent à tous un soutient enthousiaste ! Je continue ma progression avec de la limonade dans le ventre et de l’amour dans le cœur ! En arrivant au camp du soir, je monte ma tente dans un petit coin tranquille du camping. Gordon, un autre randonneur, vient se présenter. Il vient de Nouvelle-Zélande, a 75 ans et réalise son rêve de parcourir Te Araroa. Il m’explique qu’il avait comme projet de le faire 5 ans auparavant mais deux semaines avant son départ, on lui a découvert une maladie qui l’a empêché de partir. Alors c’est avec un désir ardent dans ses yeux qu’il prend sa revanche sur la vie en se lançant dans cette aventure.
Je dîne et vais me coucher. Je fais encore un peu de lecture quand j’entends à plusieurs reprises quelqu’un aux alentours qui parle très fort, en faisant de courtes phrases qui n’ont pas l’air très cohérentes. La même voix produit ensuite un avertissement intimidant (je commence à être préoccupé) et recommence un moment plus tard en proférant des menaces à propos d’un couteau … (là, il y a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond). Je met mon opinel dans ma poche, me munie de ma lampe frontale et sort de la tente. Il fait nuit noir. Mes camarades eux aussi inquiets de l’utilisation du mot “couteau” sortent également et nous essayons de comprendre qui en est à l’origine mais ne voyons personne. En cherchant tout autour, nous comprenons que la voix vient d’une autre tente située à une quinzaine de mètres. Nous demandons à cette personne de sortir, un monsieur d’une cinquantaine d’année, le regard hagard et un petit sourire étrange aux lèvres se présente à nous. Nous l’interrogeons sur son comportement et sur l’emploi du mot “couteau”, mais il retourne dans sa tente en nous disant qu’il préfère ne rien expliquer … nous sommes circonspects et franchement inquiets. Certains d’entre nous restent groupés aux alentours afin de surveiller le type, d’autres partent appeler la sécurité du camping qui nous indique qu’un agent interviendra sous peu. Après 10 minutes, une vieille dame débarque et s’approche de la tente pour interroger ce monsieur. Elle lui demande de sortir en déclarant “ça fait des dizaines d’années que je m’occupe de la sécurité de ce camping et ça ne me dérange pas du tout de botter des fesses si nécéssaire” ! Sacré tempérament ! Elle discute avec lui sans pour autant arriver à trouver d’issue satisfaisante ; en effet, nous ne voulons pas appeler la police, cet homme ne nous a pas agressé, il tient juste des propos incohérents ; il pourrait simplement être malade mais nous nous devons de prendre nos précautions. Nous demandons s’il serait possible de dormir dans un lieu qui puisse être fermé à clef, ce qui est approuvé. Il est tard, nous devons encore démonter nos tentes et déménager. Notre repos a été écourté, mais au moins nous dormons en sécurité. Je trouve que nous avons fait preuve d’un bel esprit d’équipe et avons géré la situation de manière efficace.
🗓️ Le 12 novembre 2025
🏁 Kilomètres : 472
Mes compagnons du jour, les giboulées Néo-zélandaises ! J’ai à parcourir 31 kilomètres en terrains variés à travers routes, chemins, sentiers, prairies, falaises, plages et ville, le tout accompagné d’épisodes pluvieux. Je suis très lent dans mon avancée aujourd’hui, la pluie ne me motive pas et je me sens fatigué de la nuit précédente (spoiler alerte ! la suivante sera également agitée).
En effet, en raison des pluies incessantes de la journée, le camping du soir m’offre la possibilité de dormir dans l’espace commun qui regroupe une cuisine, un salon avec canapés et une salle attenante avec billards et baby-foot. Gordon est déjà présent depuis quelques heures, il a pris un raccourci pour couper 10 kilomètres. Nous allons nous coucher vers 20h mais à 21h, deux types alcoolisés pénètrent dans la pièce avec leurs bottes et leurs bières. Ils sont le contraire de la définition de “discrétion” et me demandent s’ils m’ont réveillé sans pour autant être désolés. Ils ont un comportement excité et une conversation décousue … décidément, il faut croire à la loi des séries. Je réfléchi à comment me sortir de cette situation sans les stimuler davantage. Je me lève et vais leur parler en chuchotant, en leur signalant qu’il y a un grand père de 75 ans qui dort dans la pièce et qu’il serait respectueux de ne pas le réveiller. En vérité, je sais que Gordon a retiré ses appareils auditifs et qu’il pourrait y avoir un dragon cracheur de flammes dans la pièce, il ne le remarquerait pas ; ce qui me fait sentir d’autant plus responsable de lui, ces types pourraient le voler avec une facilité déconcertante. Ils continuent pourtant de jouer au billard, mais je les entends parler et finalement prendre raison et quitter les lieux. J’attends qu’ils s’éloignent et je ferme toutes les portes à double tour.
Je dors mal pour le reste de la nuit, ne pas se sentir en sécurité réveille un instinct qui ne vous fait dormir que d’une oreille.
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