🗓️ Le 23 novembre 2025
🏁 Kilomètres : 498
Je n’aurais que très peu dormi, mon réveil sonnant à 3h45 du matin pour cette nouvelle journée de rando. Je range mes affaires, prends mon petit déjeuner et me mets en route. J’ai une heure de marche le long d’une route avant d’atteindre la plage, je devrais y être pour le lever du soleil. C’est dans l’obscurité sous un plafond étoilé que je progresse le long de la chaussée en priant pour qu’il n’y ait pas de chiens. Au bout du chemin, je passe quelques dunes et arrive sur la plage. Le soleil n’est pas encore levé mais l’aube prend un ton doré qui se reflète sur les vagues s’écrasant sur le rivage ; c’est époustouflant, je comprend que j’ai là ma récompense de m’être levé si tôt. J’essaye d’en prendre plein les yeux, mais je garde aussi à l’esprit que je dois respecter mon planning, j’ai 3h-3h30 devant moi pour faire 15 kilomètres afin de franchir à marée basse la rivière décrite dans les notes officielles.
Je m’enivre autant que je peux des sensations environnantes, c’est tellement vivifiant et sauvage. Tous les sens sont activés ; la vue pour ces décors incroyables, l’ouïe avec la mer vrombissante et le bruits des oiseaux, l’odorat pour cette senteur iodée, le toucher avec les pas dans le sable et le vent doux de la mer qui caresse la peau … seul le goût n’est pas activé, peut être pourrais je m’essayer à manger un coquillage ou à lécher du sable ? Toutes plages confondues, depuis le début du trek j’aurais marché sur 120 kilomètres de sable ; je pensais qu’une sorte de monotonie s’installerait, mais au contraire j’y prends toujours autant de plaisir. Je passe mon temps à chantonner, voir à m’époumoner ! Il n’y a personne, la plage est à moi, je chante probablement faux mais les mouettes ne m’en tiennent pas rigueur. De petites rivières, ou plutôt devrais-je les appeler fleuves car c’est bien là la définition de tout cours d’eau qui se jette dans la mer, me barrent le chemin et la seule option est de les traverser à pied. Je ne m’en formalise plus, j’ai les pieds mouillés quasiment tous les jours depuis le départ du trek. L’odeur des souliers humides n’est pas la plus agréable au monde mais je m’attendais franchement à pire.
J’aime le fait qu’en marchant, l’imaginaire se mette en route et toutes sortes de pensées me traversent ; ce matin, en observant le lever de soleil et en voyant cette boule de feu graduellement s’élever, je m’imagine être en apesanteur libre dans l’atmosphère et d’observer à des centaines de kilomètres de hauteur la terre tourner sur elle même avec lenteur dans un silence assourdissant. C’est d’un gigantisme qui me rappelle ô combien peu de choses nous sommes sur cette terre.
Philosophie mise à part, j’arrive au bout de la plage et me retrouve en face de ce fameux cours d’eau qui doit être franchi au maximum 90 minutes après la marée basse. Je ne comprends pas les avertissements mentionnés dans les notes officielles, il est si aisé de traverser cette rivière, l’eau arrive à peine au dessus des chevilles. Je prends une pause bien méritée, j’ai parcouru 20 kilomètres d’une traite. Il me reste 6 kilomètres à faire pour atteindre le lieu où je dormirais ce soir. Je chemine sur une route en gravillons avant qu’elle ne se transforme en une trace à travers des prairies avec un fort dénivelé et beaucoup de boue ; l’ascension est courte mais rude ! Au sommet de la colline, je quitte le parcours sur 200 mètres pour arriver chez mon hôte. Elle avait décrit disposer “d’une chambre” ; en réalité, il s’agit d’une grande et lumineuse pièce séparée de la maison par une terrasse, disposant d’une petite kitchenette et d’une salle de bain. Mon hôte me propose même de me faire une lessive ! Et le clou du spectacle ? Un merveilleux jacuzzi avec vue sur une forêt de pins. Je donne mes affaires à laver, je me douche rapidement et vais me plonger dans le bain d’eau chaude. La colline est entourée de brouillard, les sapins baignent dans un halo de lumière grise ; l’exact environnement qui donne envie de se prélasser dans un bain à remous.
Je discute durant l’après midi avec mon hôte qui fait partie des “trail angels” (comprenez les anges du trek, des volontaires qui aident les marcheurs de Te Araroa). Elle loue généralement sa cabine pour une centaine d’euros sur Air Bnb ; en revanche elle ne facture que 20€ pour nous autres randonneurs. Je passe une après midi de pure béatitude ! La fin d’après midi approchant et Gordon n’étant toujours pas arrivé, je lui téléphone pour savoir où il en est. Il s’avère qu’il a raté la maison de notre hôte et a marché 2 kilomètres de trop. Il hésite à dormir dans la forêt, mais je le convaincs de revenir sur ses pas en lui offrant de dormir dans l’unique lit ; à 75 ans il est épatant d’énergie à parcourir ce trek, il a tout mon respect et mérite le meilleur des repos ! je dormirais très bien sur le sofa.
La journée de demain s’annonce pluvieuse comme les 5 précédents jours et nous avons à franchir deux obstacles qui s’avèrent difficile : la forêt du mont Tamahunga suivi de la forêt de Waiwhiu. Deux marcheurs du groupe ayant traversé la forêt la veille se sont blessés en glissant, fort heureusement sans trop de gravité. Mais ceci en annonce la couleur pour le lendemain : couleur boue.
🗓️ Le 14 novembre 2025
🏁 Kilomètres : 530
Depuis une bonne semaine, le ciel est clair en début de matinée mais le temps se dégrade ensuite en approchant la mi-journée … aujourd’hui ne fera pas exception. Je démarre ma rando avec du soleil, beaucoup de rosée matinale et un air frais. J’ai très bien dormi cette nuit, je me sens en pleine forme et je suis prêt à traverser la forêt avec entrain. Cependant, une autre forme de motivation m’habite : une randonneuse me casse les pieds depuis quelques jours (j’évite de la mentionner pour ne pas lui nuire, on aura qu’à l’appeler Josiane). Je la trouve envahissante et je préfère m’en tenir éloigné ; je suis bien décidé aujourd’hui à faire tout kilomètre nécessaire pour la laisser loin derrière moi !
Je quitte le logement et dès les premiers pas, la boue est omniprésente. Je traverse d’abord des prairies humides puis pénètre dans la forêt. Le sentier est en mauvais état, les racines sont partout et il est difficile d’éviter la boue, alors je décide d’y aller franchement et de n’éviter que les zones où mes pieds s’enfonceraient dans la boue plus bas que mes chevilles. Je sens une énergie en moi qui me donne des ailes dans le dos, j’évite chaque obstacle avec une bonne dose de dextérité et je pousse l’effort autant que je peux, le poids de mon sac à dos ayant comme disparu. Il faut croire que le fait de fuir quelqu’un me donne la motivation pour enjamber chaque obstacle et survoler la forêt ; Ruisseaux à franchir, arbres couchés à contourner, boue et racines à éviter, rochers à escalader, pentes glissantes à manœuvrer, dénivelés à grimper … la forêt ne me laisse que peu de répit, d’autant plus que la pluie s’abat toutes les heures. Je ne prends que très peu de repos mais je me sens toujours en bonne forme. Après de longues heures, j’arrive à la section finale, les 2 derniers kilomètres qui montent en pente raide et sont jonchés de racines. Je donne les dernières forces et finalement j’atteins le Dôme café, un ancien établissement fermé situé sur un col le long de la route principale qui relie le nord de l’île à la capitale. J’aurais mis 7h, le temps moyen étant de 9-10h !
Le dénouement qui me sidère, c’est qu’en arrivant au café, je tombe sur Greg et Ashley. Je fuyais une personne que je trouvais enquiquinante pour finalement tomber sur le couple le plus adorable que j’ai rencontré depuis le début du trek (comme quoi il doit y avoir une forme de karma qui existe). Nous faisons les 12 kilomètres restants à un rythme de croisière en nous réjouissons de notre rencontre. Nous passerons la soirée chez Roma et Graham, un couple de Trail Angels hauts en couleurs. Ils nous accueillent avec une chaleur rare et nous mettent à disposition une petite maison rénovée, ainsi que la possibilité de prendre des légumes dans leur jardin. Je joue le chef cuistot français en préparant une sorte de poêlée. C’est pas du Paul Bocuse, mais ça se mange !
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